Espionnage : ce que les Etats-Unis reprochent à Moscou
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La Matinale du 30/12/2016
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Espionnage : ce que les Etats-Unis reprochent à Moscou

Depuis l’annonce jeudi par Obama de sanctions à l’encontre de la Russie, qu’il accuse d’avoir voulu influencer l’élection présidentielle, l’ambiance tourne vinaigre entre les deux puissances.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Le président des Etats-Unis, Barack Obama, en conférence de presse, vendredi 16 décembre.

Expulsion de trente-cinq agents russes du territoire américain, menace d’expulsion d’autant de diplomates américains en représailles… L’ambiance tourne au vinaigre entre les deux puissances au sujet du piratage informatique du Parti démocrate lors de la campagne présidentielle américaine.

Lire aussi :   La riposte d’Obama envers la Russie pour le piratage de l’élection

  • Que reproche exactement Washington à Moscou ?

La police fédérale américaine (FBI), l’Agence centrale de renseignement (CIA) et la direction du renseignement national américain ont conclu à la responsabilité de la Russie dans le piratage du Parti démocrate pendant la campagne présidentielle ; ce que Moscou a démenti à plusieurs reprises. Les agences américaines conviennent que ces attaques, qui ont visé le comité national démocrate (DNC) et le directeur de campagne d’Hillary Clinton, John Podesta, avaient pour objectif de favoriser Donald Trump face à sa rivale.

Selon un rapport publié jeudi soir par le département de la sécurité intérieure et le FBI, deux groupes qui seraient liés au renseignement russe, APT 28 et APT 29, aussi surnommés « Cozy Bear » (ours confortable) et « Fancy Bear » (ours chic), sont cités comme étant responsables « de piratages ayant ciblé un parti politique américain ». L’image de l’ours est utilisée depuis le XIXe siècle pour représenter la Russie. Un symbole qui a été repris pendant la guerre froide pour désigner les ressortissants de l’Union soviétique.

Cozy Bear est réputé proche du FSB, chargé de la sécurité intérieure russe, tandis que Fancy Bear serait une émanation du GRU, le renseignement militaire russe. De très nombreux piratages ont été attribués à ces deux groupes, dont celui qui a touché TV5 Monde en 2015.

Aux Etats-Unis, le piratage de la boîte e-mail de M. Podesta est attribué par les enquêteurs à Fancy Bear, mais c’est Cozy Bear qui aurait pénétré les serveurs du DNC à l’été 2015, au cours d’une campagne plus large visant aussi de nombreuses agences gouvernementales américaines. Ces attaques ont mené à la publication de plusieurs milliers d’e-mails et documents internes du parti, plus tard publiés sur WikiLeaks, qui ont révélé nombre de mesquineries et d’arrangements peu flatteurs et affaibli la campagne démocrate.

Outre ces piratages informatiques destinés à influencer l’élection présidentielle, Washington accuse Moscou de plusieurs cyberattaques contre des établissements financiers, universités et autres institutions, ainsi que de « harcèlement » à l’encontre des diplomates américains en poste à Moscou depuis deux ans.

Lire notre analyse :   La Russie est-elle à l’origine des piratages du Parti démocrate américain ?

  • Quelles sanctions ont été prises par Washington ?

La mesure la plus spectaculaire est l’expulsion, d’ici à dimanche, de trente-cinq agents du renseignement russe, accusés de se livrer à des activités « non conformes à leur statut diplomatique ». Mais il faudra compter aussi avec la fermeture de deux sites utilisés par ces services à New York et dans l’Etat du Maryland, près de Washington.

Barack Obama a également décidé de sanctionner neuf entités et individus, dont les deux services de renseignement russes, le GRU et le FSB, et trois entreprises qui ont fourni un soutien matériel aux opérations de piratage. Parmi les individus frappés d’interdiction d’entrer aux Etats-Unis et de gel de leurs avoirs financiers figurent le chef du GRU, Igor Valentinovitch Korobov, et trois de ses adjoints ; une mesure inhabituelle dans le monde du renseignement, où les espions sont rarement désignés nommément.

Et les sanctions ne s’arrêteront pas là, a précisé le président américain, prévenant que les Etats-Unis prendraient d’autres mesures au moment voulu, y compris des opérations secrètes dont le public ne sera pas informé.

Lire aussi :   Etats-Unis : quelle riposte aux piratages russes ?

Vladimir Poutine a déclaré vendredi que la Russie n’allait expulser personne et que Moscou se réservait le droit de riposter en fonction de la politique du président élu Donald Trump. Quelques heures auparavant, le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov avait suggéré l’expulsion de trente-cinq diplomates américains. Le chef de la diplomatie russe proposait « de déclarer persona non grata trente-et-un diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Moscou et quatre diplomates du consulat général américain à Saint-Pétersbourg ».

M. Lavrov avait également envisagé d’interdire aux diplomates américains d’utiliser une maison de campagne dans la banlieue de Moscou et un bâtiment leur servant de dépôt dans la capitale.

  • Quel impact pour les relations russo-américaines ?

Jeudi, Moscou a accusé Washington de vouloir « détruire définitivement les relations russo-américaines qui ont déjà atteint le fond ».

De son côté, le successeur de Barack Obama, Donald Trump, qui entend réchauffer les relations entre les deux pays, a de nouveau appelé les Américains à « passer à autre chose ». Il a salué vendredi la décision de Vladimir Poutine, un « joli coup », ajoutant : « J’ai toujours su qu’il était très intelligent. »

Donald Trump, qui a répété douter de l’ingérence de Moscou, pourrait annuler les décisions de M. Obama qui relèvent de l’exécutif. Mais l’homme d’affaires se heurterait à l’opposition d’un nombre important de membres du Parti républicain au Congrès.

Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants, s’est félicité des mesures annoncées, estimant qu’elles « n’avaient que trop tardé ». John McCain et Lindsey Graham, deux « faucons » républicains du Sénat, ont estimé que Moscou s’en tirait bien et ont promis « de mener l’offensive dans le nouveau Congrès pour imposer des sanctions plus fortes ». En annonçant ces sanctions, Barack Obama complique donc pour son successeur, avant même sa prise de fonction, les relations avec Vladimir Poutine.

Lire aussi :   La victoire de Trump entachée par les piratages

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