Pour ses 10 ans, WikiLeaks fait une conférence et zéro révélation

Pour ses 10 ans, WikiLeaks fait une conférence et zéro révélation

Du teasing pour les prochaines semaines, à défaut de nouvelles fuites : Julian Assange a une nouvelle fois déçu son monde.

Plus ennuyeux qu’une soirée des Césars  ? Ça existe, c’était la conférence spéciale dix ans de WikiLeaks ce mardi – qui comme la brève sortie de Julian Assange en février s’avère fort creuse.

Annoncée lundi, elle s’est donc tenue juste une décennie après le lancement du site web boîte à lettres anonymes pour lanceurs d’alerte, en direct de Berlin, avec Julian Assange en téléconférence depuis Londres, où il est reclus à l’ambassade d’Equateur depuis quatre ans.


« Hillary Clinton a voulu assassiner Julian Assange », « Wikileaks va dévaster les Clinton » : titres complotistes avant la conférence - YouTube - capture d’écran

Vu les propos critiques d’Assange sur Hillary Clinton – en juin il déclarait avoir encore de nouveaux e-mails à révéler –, on s’attendait à du lourd, et malgré le décalage horaire, les équipes de Trump et Clinton étaient sans doute aux aguets devant leurs écrans.

Les sites et médias de droite et d’extrême droite américaines s’en pourléchaient  : « WikiLeaks va démolir les Clinton  !  »

La conférence de WikiLeaks depuis Berlin, mardi 4 octobre 2016

Deux heures plus tard, hormis beaucoup d’autocélébration, les spectateurs et internautes du monde entier pouvaient se demander l’utilité de l’événement.

Dix millions de documents diffusés en dix ans, représentant plus de dix milliards de mots, et des partenariats avec une centaine de médias dans le monde, s’est félicitée l’organisation, qui a réalisé une vidéo du top 10 de ses fuites.

Le top 10 de WikiLeaks

La première heure de la conférence, animée par une journaliste de WikiLeaks, Sarah Harrison, est revenue sur l’histoire de l’organisation. Avec en intro lecture d’un petit mot amical, envoyé par le linguiste et militant américain Noam Chomsky, et une réponse de Sarah Harrison aux critiques qui voient WikiLeaks manipulée par le gouvernement russe  : l’organisation a sorti plus de 2 millions de mails et de nombreux docs sur la Russie.

Deux journalistes ont raconté leurs relations avec WikiLeaks. L’Italienne Stefania Maurizi (L’Espresso) se souvient d’avoir reçu un appel téléphonique à 3 heures du matin, pour l’inviter à télécharger un document sur la crise des ordures à Naples. Comme son confrère allemand John Goetz (Süddeutsche Zeitung), elle a souligné que les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks lui ont permis de voir les coulisses de la politique et de la diplomatie de son pays, souvent sous pression américaine.

Stefania Maurizi a cité le travail de l’ONU sur le Soudan  : pour vérifier que l’embargo sur les ventes d’armes à ce pays est respecté, les inspecteurs des Nations unies eux-mêmes indiquent se référer à des documents fuités par WikiLeaks.

« Quelques ennemis »

John Goetz a observé que les militants de l’organisation sont «  des gens difficiles qui semblaient faire tout pour rendre ma vie de journaliste compliquée  », mais pour souligner qu’en fait, après les révélations d’Edward Snowden, il a vu que leurs précautions techniques n’avaient rien d’un délire paranoïaque.

«  Vous ne publiez pas un million de secrets par an sans vous faire quelques ennemis  », ironise un slogan projeté sur un grand écran. Sarah Harrison rappelle les tentatives d’étouffement financier de WikiLeaks, « critiques pour une organisation financée par des dons » ; une action en justice a été gagnée contre Visa et Mastercard, et d’autres sont encore en cours, a-t-elle indiqué. Il y aura aussi bientôt la possibilité de prendre des abonnements payants.

Toujours au chapitre des ennemis, une autre vidéo a montré en montage rapide des officiels et des médias américains appelant à fermer WikiLeaks et à abattre Assange, «  un terroriste de l’information  ». Dans les extraits figure Hillary Clinton, à l’époque secrétaire d’Etat, qui considère les fuites comme «  une attaque contre les Etats-Unis et contre la communauté internationale  » (elle aurait lors d’une réunion en 2010 lancé «  pourquoi n’envoie-t-on pas un drone sur ce type  ?  », selon une «  info  » non sourcée d’un site pro-Trump).

Un livre en promo

Alors qu’il était question qu’Assange parle depuis un balcon de l’ambassade où il est réfugié, cette sortie a été annulée. Le média russe Sputnik fait état de menaces qu’il aurait reçues.

A 11 heures, après un flottement (pas de son ni d’image pendant deux minutes, on se demande si la liaison a été sabotée), Julian Assange est à l’écran en direct de Londres. T-shirt noir marqué «  Truth  » (vérité) et micro clippé – le son était très mauvais –, Assange douche d’emblée ceux qui imaginaient des révélations  : «  Je sais qu’il y a beaucoup d’attentes aux Etats-Unis  », mais il y aura «  de grandes publications avant la fin de l’année  ».

Julian Assange prsente le livre
Julian Assange présente le livre « WikiLeaks Files » - YouTube - capture d’écran

Gasp. Tout ça pour ça  ? Ah non, Assange profite de ce passage à l’antenne et en ligne pour montrer le bouquin (déjà montré pendant la première heure), « The Wikileaks Files  », sur les fuites passées. «  Moins 40% cette semaine en Grande-Bretagne  » sur le livre, lance Assange. On se pince.

A venir : armes, pétrole, Google, élections et surveillance de masse

Enfin, une promesse d’annonces  : chaque semaine pendant les dix prochaines semaines, donc en partie avant les élections américaines (le 8 novembre), l’organisation va diffuser «  des matériaux significatifs  », qui porteront sur «  les armes, le pétrole, Google, les élections américaines et la surveillance massive  ».

Suit une loooongue liste de personnes qui ont aidé Wikileaks, d’associations et d’organismes amis – là, on est vraiment aux Césars.

Julian Assange répond ensuite aux questions des journalistes présents à la conférence à Berlin. Est-ce que les prochaines révélations vont «  détruire Clinton  » ? Assange esquive totalement, en prétendant qu’il y a eu «  beaucoup de citations abusives dans des publications américaines  », qui «  essaient de personnaliser nos publications  ». 

« Assange trolle le monde »

Relance dans la salle  : y aura-t-il aussi des choses révélées du côté républicain, ou seulement démocrates  ? «  Nous ne faisons pas de commentaires précis avant publication  », affirme Sarah Harrison. Assange la joue sphinx  : il y aura «  beaucoup d’angles fascinants  ».

Dernière tentative chez les journalistes avec un curieux «  Avez-vous une affinité personnelle pour Donald Trump  ?  » (qui fait éclater de rire Sarah Harrison). Assange déclare des affinités pour «  toute personne humaine  » et se dit désolé pour Donald Trump et Hillary Clinton, «  deux personnes tourmentées par leurs ambitions  ».

La conférence s’achève (enfin...). Sur Twitter, les pro-Trump qui portaient aux nues Assange et Wikileaks deux heures plus tôt frôlent l’apoplexie et balancent GIF moqueurs et injures en vrac. « Assange trolle le monde », s’énerve Alex Jones, le complotiste qui lundi promettait qu’Assange allait « dévaster les Clinton ».

En juillet déjà, l’extrême droite américaine s’excitait après qu’Assange avait annoncé « assez de preuves pour mettre en accusation Hillary Clinton », en titrant à tout va que WikiLeaks avait de quoi la mettre en prison. Raté.

Dernières vidéos
Commentaires 14 commentaires
Pour réagir, je me connecte Connexion
  • babalaas

    Oui mais il promet quand meme une revelation par semaine jusqu’aux elections americaines... Ne soyez pas gourmand, Mr Noisette, un peu de patience...

    • LuciusSergius

      Ou comment lâcher graduellement selon le timing électoral afin d’indisposer au maximum ceux qui ne savent pas ce que Wiki sait, sans leur laisser le temps de riposter, l’échéance se rapprochant. Maintenant c’est trop tôt, dans quelques temps ça sera imparable.
      A moins qu’il y ait une vague d’accidents ou des propositions qu’on ne peut pas refuser, y compris à l’ambassade de l’Equateur...

  • Jacques13

    Résultat des courses après l’élection pour savoir si Assange a bluffé.

  • folavril

    Sur les élections américaines, ce qui est regrettable, c’est que les infos concernant la manipulation de la primaire démocrate au profit de Killary ne soient pas sorties avant son intronisation. On aurait eu une petite chance de voir Bernie Sanders battre Trump.

    Pour ma part j’accorde le benéfice du doute à Wikileaks et à Assange, précisément parce que depuis quelque temps tout le monde leur tombe sur le lard, y compris ceux qui les portaient aux nues.
    Dire, par exemple, que Chelsea Manning pourrit en prison à cause d’eux, c’est de la diffamation. Chelsea a été assez conne pour tout balancer à l’autre ordure d’Adrian Lamo. Je remarque que personne dans la presse ne se soucie de ce qu’est devenu cette ordure de Lamo - tout va bien pour lui, je vous rassure tout de suite.

    On arrive à des aberrations : soudain, Snowden, qui est un libertarien pur et dur, est un « vrai » héros, et Assange est un « rouge-brun ».

    Et en plus, ces gens-là ne sont même pas foutus d’organiser une manifestation qui soit suffisamment « entertaining » pour le goût de ces messieurs les journalistes.

    • LuciusSergius

      « Assange est un “ rouge-brun ”. “

      Tu as oublié ‘mangeur d’enfants’, donc tu es tendancieux, suspect même... : -)))

  • LuciusSergius

    Tiens, il y a un certain Harold Thomas Martin, on a fini par lâcher son nom après avoir tenté de le garder secret, qui a été coffré aux States pour avoir chopé les codes sources des outils qu’emploie la NSA pour pirater les systèmes des états étrangers et « alliés », et qui est fortement soupçonné d’avoir au moins voulu les divulguer...
    Avec l’expérience ils évitent maintenant d’avoir un Snowden ou un Assange de plus, ils évitent que les « lanceurs d’alerte » réussissent leur coup ou deviennent populaires en menant la com.
    Sauf que s’ils ont bien étouffé le truc ils semble qu’ils ne savent pas trop si les données n’ont pas été déjà transmises à des organisations qui vont bien pour les diffuser tôt ou tard histoire d’en remettre une couche...

    Pour la suite des infos il y aura sans doute comme d’hab une campagne du genre qui dit que le gars est un psychopathe adorateur de Poutine, qui mange ses crottes de nez et est un grand pervers. La routine, quoi.

  • edmond_tagnard

    Au moins ça lui fait prendre un peu l’air.

Afficher plus de commentaires